Une vieille dame meurt dans une maison de retraite et laisse un poème bouleversant
En France, pas moins de 90 000 personnes âgées meurent chaque année dans des maisons de repos, selon les chiffres de l’Observatoire national de la fin de vie. Ces personnes âgées se disent vivre une première mort, par exclusion de la vraie vie, celle des gens actifs. Un sentiment d’autant plus renforcé par le « non choix » d’entrer en maison de retraite, la peur de cette perspective de fin, ce mal-mourir, lent et avilissant.
La question de l’abandon des personnes âgées se pose avec acuité à l’heure où les liens familiaux se sont distendus ou n’existent plus et où les mœurs ont été chamboulées de fond en comble. Le détachement de la part de la génération actuelle vis-à-vis de leurs géniteurs est flagrant. Les personnes âgées en posture de vulnérabilité finissent souvent recluses, murées dans la solitude, sans affection, et s’éteignent dans des conditions précaires, dans l’oubli et le déni.
C’est l’histoire d’une femme âgée qui a vécu ses derniers jours dans une maison de retraite. Les soignantes voyaient en elle une femme frêle et renfrognée, recroquevillée dans son coin à attendre son heure.
Ce n’est qu’après sa mort que le personnel fera une découverte inattendue qui les a tous bouleversés.
Sur sa table de chevet, la vieille dame a pris le soin de laisser un petit message en prose à ces aides-soignants. Sur un morceau de papier, elle s’effeuillait, dévoilant des pans de sa vie qui leur échappaient, leur contant ce qu’avait été sa vie de jeunesse avant de finir en maison de repos. Une belle leçon de vie qui nous fait méditer à cette phrase lourde de sens, signée Cicéron : « Il n’y a qu’un pas de l’enfance à la jeunesse, et notre course est à peine commencée, que la vieillesse nous atteint, sans que nous y pensions. ».
Regarde-moi
Que vois-tu, toi qui me soignes ?
Quand tu poses les yeux sur moi, à quoi penses-tu ?
Une vieille femme grincheuse, qui perd les pédales,
le regard hagard, qui bave en mangeant et balbutie à peine.
Quand tu la sommes de faire un effort,
Maladroite et qui ne prête aucune attention à ce qu’elle fait…
Qui docile ou non, te laisse faire à ta guise,
le bain et les repas pour occuper sa longue journée.
C’est ce à quoi tu penses, c’est ça que je reflète ?
Alors ouvre les yeux, ce n’est pas moi.
Je vais te dire qui je suis, assise là, impassible et paisible,
me pliant à tes ordres, m’exécutant à ta guise…
Je suis la dernière d’une fratrie de dix, j’ai eu un père et une mère,
une famille aimante…
J’étais un brin de jeune fille vivace, à laquelle la jeunesse donnait des ailes
rêvant de rencontrer le prince charmant.
À vingt ans, mon âme sœur m’attend sur son cheval blanc,
mon cœur frétille au souvenir de ce jour.
J’ai vingt-cinq ans, je goûte aux joies de la maternité.
Je me dévoue à la chair de ma chair et à son avenir.
J’ai trente ans, mon enfant pousse comme une liane ;
nos liens sont scellés pour l’éternité…
Quarante ans, bientôt il fera sa vie loin de moi,
mais mon tendre époux est à mes côtés et veille sur moi.
Cinquante ans, je suis une grand-mère comblée.
Nous revoilà entourés d’enfants, mon bien-aimé et moi.
Le tableau s’assombrit, l’homme de ma vie s’éteint, c’est la descente aux enfers.
La vie sans lui me fait peur.
Mes enfants sont trop pris par leurs tourmentes,
Ils gravitent autour de moi mais ne me voient plus.
Je repense avec nostalgie à l’amour et au bonheur que j’ai connus.
Je suis vieille maintenant et la vie est âpre,
Elle se délecte à me faire passer pour une folâtre.
Mon corps s’assèche et fane,
Grâce et opulence battent en retraite.
Il y a là une pierre où jadis il y avait un cœur.
Mais sous cette carcasse décharnée, la jeune fille renaît.
Le cœur avachi bat sans relâche.
Je me remémore joies et peines,
Je défile le doux film de ma vie,
Des années écoulées à la vitesse de l’éclair.
J’accepte cette dure réalité.
Alors, ouvre les yeux, toi qui me regardes et qui me soignes.
Ce n’est pas la vieille femme acariâtre que tu vois…
Regarde de plus près et tu verras…