Une femme découvre qu’elle fait partie des rares personnes capables de se souvenir de chaque moment de leur vie, dès les instants suivant sa naissance

Imaginez que chaque moment de votre vie soit gravé dans votre mémoire, que chaque détail, chaque émotion refasse surface avec une précision implacable. Pour beaucoup, cela semble être un superpouvoir. Pourtant, pour Rebecca Sharrock, c'est une réalité complexe, à la fois fascinante et éprouvante. Diagnostiquée avec une mémoire autobiographique hautement supérieure (HSAM), elle vit avec un cerveau qui refuse d'oublier. Mais si l’oubli est un mécanisme naturel de protection, comment vit-on lorsque chaque souvenir, heureux ou douloureux, reste aussi vif qu'au premier jour ?
Un esprit qui ne connaît pas l’oubli
Rebecca a toujours su qu’elle se souvenait des choses différemment. Dès son plus jeune âge, elle pouvait se remémorer des moments précis, comme être enveloppée dans une couverture en coton rose lorsqu’elle n’avait qu’une semaine. Mais ce n’est qu’en 2013 qu’un diagnostic officiel est venu donner un nom à cette faculté hors du commun : la mémoire autobiographique hautement supérieure.
Contrairement à la mémoire classique, qui sélectionne et efface les informations superflues, le HSAM stocke tout, sans distinction. Un simple stimulus, comme une date ou une odeur, suffit à replonger Rebecca dans un moment précis de son passé, avec une exactitude impressionnante. Elle peut revivre une journée d’il y a vingt ans comme si elle s’était déroulée hier.
Quand les souvenirs deviennent envahissants
Si beaucoup envient cette capacité, Rebecca révèle que se souvenir de tout n’est pas toujours un avantage. Contrairement à une mémoire classique, qui estompe progressivement les événements douloureux, la sienne les lui fait revivre avec la même intensité émotionnelle qu’au moment où ils se sont produits.
« Quand je repense à un événement négatif de mon enfance, je ressens à nouveau la détresse d’une enfant de trois ans », explique-t-elle.
Cette hypersensibilité émotionnelle est l’un des aspects les plus difficiles de son quotidien. Elle ne peut pas tourner la page comme les autres, car chaque événement est ancré en elle avec une précision implacable.
Un défi au quotidien
Vivre avec le HSAM, c’est aussi affronter l’incompréhension des autres. Beaucoup pensent que Rebecca s’attarde volontairement sur les moments difficiles, incapable de « laisser aller« . Mais pour elle, ce n’est pas une question de choix : ses souvenirs sont toujours présents, impossibles à effacer.
De plus, peu de recherches existent sur cette condition, rendant son accompagnement médical limité.
« C’est terrible d’être une exception médicale », confie-t-elle, soulignant le manque de solutions adaptées à sa situation.
Une mémoire exceptionnelle, mais à quel prix ?
Si la mémoire autobiographique hautement supérieure fascine, elle soulève aussi une question essentielle : l’oubli est-il une faiblesse ou une nécessité ? Pour Rebecca Sharrock, sa mémoire parfaite est une arme à double tranchant. Elle lui permet de conserver des souvenirs précieux, mais l’expose aussi à des émotions difficiles à maîtriser.
Finalement, oublier est peut-être un luxe que nous sous-estimons…