« Nous marchons comme des somnambules vers la catastrophe » alerte l’écrivain Edgar Morin

Publié le 28 août 2020
MAJ le 26 novembre 2024

Face à cette période de crise imposée par l’urgence sanitaire, Edgar Morin est révolté. Connu pour ses prises de position contre le capitalisme, le sociologue et penseur contemporain livre une tribune indignée. Découvrez l’alerte de cet homme publiée dans TerraEco. « Nous marchons comme des somnambules vers la catastrophe » alerte l’homme qui appelle à l’éveil des consciences.

La pandémie au coronavirus a provoqué une crise économique importante qui a semé la panique parmi les hommes. Seulement, Edgar Morin invite le monde à ralentir et à ne pas céder à la peur. Dans une tribune, le penseur contemporain invite à réagir durant cette période délicate et à « résister au diktat de l’urgence ». Une interview de l’auteur relayée par terraeco.

Ne pas céder au diktat de la vitesse

Conscient des impératifs du monde contemporain, le philosophe invite le monde à ralentir. « La vitesse fait partie du grand mythe du progrès qui anime la civilisation occidentale depuis le XVIIIe et le XIXe siècle » analyse le penseur célèbre pour ses nombreuses collaborations avec Stéphane Hessel, auteur de l’incontournable « Indignez-vous ! » Il explique que notre époque est caractérisée par une ère où la chronologie s’est imposée et que nous sommes de plus en plus pressés du fait de la multiplication des activités. Une course effrénée qui est liée au progressisme et que l’auteur condamne avec conviction.

Edgar Morin : un survivant à toutes les crises mondiales

A la question « Cette crise vous rend-elle pessimiste ? », Edgar Morin rappelle toutes les époques qu’il a vécues et l’absence de vision le met en colère. « Je suis passé de la Résistance où j’étais jeune, où il y avait un ennemi, un occupant et un danger mortel, à d’autres formes de résistances qui ne portaient pas, elles, de danger de mort, mais celui de rester incompris, calomnié ou bafoué » se souvient le sociologue et penseur contemporain plutôt pessimiste.

L’homme a vite été désillusionné en voyant que ses aspirations étaient des chimères et a rompu avec le communisme, devenu alors le mouvement à abattre de sa génération. Il a également combattu cela en défendant le Vietnam. Une suite logique qu’il fera aboutir en défendant l’Algérie comme il a lutté pour l’affranchissement de la France du nazisme. « Au bout du compte, nous sommes toujours pris dans des nécessités de résister.

« La barbarie est fondée sur le mépris humain »

Toujours analyste de notre société, Edgar Morin fait face à une conclusion amère, celle de voir que nous sommes en proie à « deux barbaries associées ». Pour lui, c’est d’abord celle qui concerne l’humain et qui n’a jamais disparu. L’autre concerne le calcul et le profit, dans la quête effrénée de l’argent, imposée par le système capitaliste. Une quête d’argent pouvant engendrer du stress.

«  Ces barbaries sont alliées et nous sommes contraints de résister sur ces deux fronts » analyse-t-il. Puis d’ajouter : « Je continue avec les mêmes aspirations et révoltes que celles de mon adolescence avec cette conscience d’avoir perdu des illusions quand j’avais 10 ans »

« Nous allons vers des cataclysmes »

Face à cette conjoncture séculaire, Edgar Morin ne décolère pas. Pour lui, ces guerres peuvent toujours aller vers le fanatisme. En cause, le pouvoir destructeur des armes nucléaires et la dégradation de la biosphère. Un impact « vertigineux » pour l’humanité. « No us allons par cette combinaison vers des cataclysmes » s’inquiète le penseur. L’acolyte de Stéphane Hessel garde une note d’optimisme. « Le pire n’est jamais certain à mes yeux car il suffit parfois de quelques événements pour que l’évidence se retourne. Un appel à l’éveil des consciences pour sauver le sort de la race humaine.

« Nous avançons à toute allure comme des somnambules »

Ce qui indigne le plus le penseur de notre époque, c’est surtout notre aveuglement vers « le progrès ». « Nous avançons à toute allure comme des somnambules » constate le philosophe. Il déplore qu’à notre époque, le système empêche les esprits d’avancer. Seulement, l’homme n’est pas tout à fait désabusé en parlant des grands hommes de pouvoir du XXIème siècle. « Quand l’Angleterre était menacée à mort, un homme marginal a été porté au pouvoir, qui se nommait Churchill. Quand la France était menacée, ce fut De Gaulle.

Pendant la Révolution, de très nombreuses personnes […] comme Hoche ou Bonaparte ; des avocaillons comme Robespierre, de grands tribuns. » donne-t-il comme exemples inspirants. Selon lui, ce sont ces icônes emblématiques de la Résistance qui ont sauvé des crises. Edgar Morin soutient que pour l’heure, la société n’est pas consciente du danger auquel elle s’expose et que nous n’avons pas encore compris que nous allons vers la catastrophe.