“J’ai trouvé ma fille en train de sangloter sur le sol et de supplier de mourir”

Publié le 26 mai 2021
MAJ le 26 novembre 2024

Suzanne Alderson a vécu le cauchemar de tous les parents. La maman d’une adolescente de 14 ans a appris que sa fille envisageait de mettre fin à ses jours. Voici son récit, un cri du cœur pour tous les parents qui pourraient se retrouver dans une telle situation.

Relayé par le tabloïd britannique Daily Mail, ce témoignage est celui d’une maman qui a dû faire face à la pire angoisse de chaque parent : celle de perdre son enfant. C’était en 2015, un lundi matin. Susan Anderson s’est réveillée avec un mauvais pressentiment à propos de sa fille. Depuis ce jour, la vie de Suzanne et de sa famille a basculé. 

“C’était comme si elle disparaissait” 

Suzanne raconte qu’elle voyait sa fille se battre depuis des mois contre ses démons intérieurs. “C’était comme si elle disparaissait” se souvient la maman. Issy ne se nourrissait plus correctement et ne dormait plus. Pour elle, sortir de la maison s’apparentait à un véritable parcours du combattant. “ Elle disait qu’elle avait mal à la tête et à l’estomac” poursuit Suzanne. Quand elle allait à l’école, l’adolescente finissait généralement en pleur dans le bureau de l’infirmière de son établissement. Suzanne voyait l’angoisse s’emparer de sa fille de plus en plus, jour après jour. La maman a donc décidé d’emmener Issy chez un médecin, qui, pensait-elle, la dirigerait vers un pédopsychiatre. 

“C’était imminent, je ne devais pas la laisser seule” 

Lorsque la mère et sa fille sont arrivées chez le médecin, Issy a expliqué à Suzanne qu’elle préférait le voir seule. “ J’ai été surprise parce que nous sommes très proches » révèle Suzanne. Inquiète, la quadragénaire a cependant préféré respecter la décision de sa fille. Elle admet qu’une partie d’elle-même espérait que l’état d’Issy ne nécessitait rien de plus qu’un peu de repos et quelques activités relaxantes pour se changer les idées. Malheureusement, Susanne va très vite se rendre compte de l’ampleur de la situation. A la fin de la consultation, le médecin a demandé à Suzanne de l’appeler de toute urgence dès son retour à la maison. Sur le chemin du retour, la maman de 49 ans raconte qu’elle n’a pas pressé sa fille de questions. Elles ont fait la route dans un silence religieux. Arrivées chez elles, Suzanne a immédiatement pris son téléphone pour contacter le médecin. Et son annonce a fait l’effet d’un véritable coup de massue. “ Issy lui a avoué qu’elle prévoyait de se suicider. C’était imminent. Je ne devais pas la laisser seule.” s’émeut la maman. Comme ce petit garçon qui a mis fin à ses jours à cause du harcèlement, Issy a également voulu passer à l’acte. 

“Nous nous sommes tous les deux effondrés” 

Ne sachant pas comment réagir, Suzanne a immédiatement appelé Ross, son mari, pour lui faire part de la situation. Seulement, la maman anéantie n’arrivait pas à trouver les mots. Elle raconte : “C’était comme si ma tête ne voulait pas prononcer ce mot (…) Quand j’ai utilisé le mot “suicide” nous nous sommes tous les deux effondrés”. Après avoir raccroché le téléphone, Suzanne s’est immédiatement dirigée vers la chambre de sa fille. “Elle m’a regardé. Je voyais qu’elle était profondément désolée. Désolée d’avoir ressenti ça. Désolée de ne pas avoir pu me le dire. Désolée de ne pas avoir su contrôler ce sentiment de mal-être” se souvient la maman. Puis d’ajouter : “ Nous nous sommes pris dans les bras et nous avons pleuré. Je lui ai dit que tout allait bien se passer et que je ferais n’importe quoi pour l’aider. Pourtant, à ce moment-là, je n’avais aucune idée de la façon dont je pouvais le faire”. 

“Des jours à nous demander quand ce cauchemar allait prendre fin” 

Ce fut le début d’une épreuve exténuante. “ Pendant un an, nous avons passé des jours à nous demander quand ce cauchemar allait prendre fin” témoigne Suzanne. Elle poursuit : “ Nous avons passé des heures dans le cabinet du psychiatre, en thérapie, à boire du thé au milieu de la nuit pour l’empêcher de se faire du mal”. Seulement, Issy n’était pas seule à être dans la tourmente. Bien qu’elle essayait de paraître forte pour sa fille, Suzanne ne pouvait s’empêcher de culpabiliser. La maman raconte qu’elle n’arrêtait pas de se demander comment elle aurait pu faire pour éviter que cela ne se produise. “ Une question me taraudait sans cesse : Comment ai-je pu laisser tout cela se produire ?” relate-t-elle. Et de poursuivre : “ Nous étions une famille connectée. Ross et moi avions toujours fait en sorte que Issy et son frère aîné Jack soient nos deux priorités. Enfant, elle semblait tellement heureuse. C’était un doux mélange d’humour et de désinvolture. Gentille, aimante et un peu décalée”. 

Suzanne et Issy lorsqu’elle était bébé Source : Daily Mail

“Comment j’aurais pu arrêter cela” 

C’est à ce moment-là que Suzanne s’est rendue compte que c’était justement ce côté “décalé” qui a valu à sa fille son mal-être. Elle a fini par attirer l’attention des brutes. Issy était inscrite dans une école privée, réservée aux enfants de l’élite. La maman s’est alors rappelée que sa fille avait évoqué “ des problèmes d’amitié”. Pudique, elle avait refusé de s’étaler sur le sujet. Suzanne raconte que sa fille était devenue si anxieuse que l’idée de se rendre à l’école la rendait malade. Puis, réalisant qu’elle n’avait pas le choix, Issy a cessé de vouloir tenir tête à ses harceleurs et a commencé à penser au suicide. “ Je me suis retrouvée à retourner des situations dans tous les sens, à analyser des réactions et à me souvenir du moindre détail à la recherche d’indices que j’aurais pu repérer » regrette Suzanne. “J’ai continué à me torturer en essayant de savoir à quel moment j’aurais pu intervenir et comment j’aurais pu arrêter cela” poursuit-elle. 

“Laisse-moi partir” 

Suzanne raconte qu’au début, elle a fait confiance aux psychiatres et aux conseillers de sa fille. Seulement la maman s’est peu à peu rendue compte que ces derniers avaient pour seul objectif de faire revenir Issy à l’école et de stabiliser son humeur en la “shootant” de médicaments. “ A Noël, trois mois après notre premier entretien avec le médecin généraliste, j’ai trouvé Issy allongée sur le sol de la cuisine. Elle m’a littéralement supplié de la laisser mettre fin à ses jours. Elle pleurait et criait “laisse moi partir”. Je lui ai dit que je ne le ferais pas. C’était terrible” se souvient Suzanne. La maman a alors décidé de prendre les choses en main. “ J’ai dû faire tout ce qu’il fallait pour garder mon enfant en vie. Ma fille était gravement malade, mais avait l’impression que personne ne l’écoutait (…) Et puis j’ai réalisé que me blâmer était contre productif. J’ai également compris que je n’étais pas “responsable” de son rétablissement. Je devais surtout comprendre ses besoins ” explique-t-elle.  

“Elle a dû aller dans un nouvel endroit” 

Suzanne a compris que pour aller mieux, sa fille avait besoin de nouvelles perspectives. La jeune fille a changé d’équipe de soins et a commencé une nouvelle thérapie basée sur une approche collaborative. “ Elle a dû aller dans un nouvel endroit. Je n’avais qu’une seule condition : qu’Issy me dise si elle comptait se faire du mal” raconte Suzanne. Issy a tenu sa promesse, ce qui a donné lieu à de longues nuits blanches et des allers-retours réguliers aux séances de thérapies afin que l’adolescente ne se retrouve jamais seule face à ses idées noires. Au fil du temps, Issy a commencé à se sentir un peu mieux. Bien qu’il y ait eu des jours plus difficiles que d’autres, la jeune fille commençait à reprendre doucement le contrôle de sa vie. Elle savait qu’elle n’était plus obligée de retourner dans son école et a pu développer ses propres centres d’intérêts. Susanne poursuit son récit :  “ Chaque jour je me réveillais avec l’espoir que tout cela soit derrière nous. Lentement, les jours heureux ont commencé à être plus nombreux”.   

“Je ne suis certainement pas la seule à vivre ça” 

Au gré de son expérience, Suzanne a appris beaucoup de choses sur le mal-être de sa fille. La maman a également ressenti le besoin de faire quelque chose pour aider les autres parents qui se trouvaient dans une telle situation. “ Trois mois après, je me souviens que j’étais allongée à côté d’Issy craignant pour sa vie, et je me suis dit que je n’étais certainement pas la seule à vivre ça” raconte-t-elle. En septembre 2016, Suzanne a créé Parenting Mental Health, un groupe Facebook qui vise à mettre en contact des parents qui vivent la même épreuve et qui cherchent du soutien. Rapidement, le groupe a pris de l’ampleur et a rassemblé une communauté de plus de 15 000 membres. Parmi eux, une association caritative proposant des cours en ligne afin de donner des conseils aux parents sur la meilleure façon de soutenir leurs enfants. Pour éviter que ces histoires continuent de se produire, il est également important de se mobiliser contre le harcèlement à l’école. 

Issy et Suzanne en 2018 Source : Daily Mail 

Suzanne a écrit un livre qui relate son expérience avec sa fille 

Suzanne a également écrit un livre qui relate les trois années de souffrance qui ont mené Issy au bord du gouffre. N’abandonne jamais, est le cri du cœur de cette maman qui au départ s’est sentie complètement impuissante face au désarroi de sa fille, mais qui a appris à l’écouter et la soutenir pour la sauver. Suzanne décrit son livre comme une feuille de route permettant aux parents de lutter contre la maladie mentale de leurs enfants. Plutôt que de s’auto-flageller, les parents doivent arrêter de penser qu’ils font partie du problème, mais qu’avec les bons outils, ils peuvent faire partie de la solution. Cette approche, Suzanne l’appelle “ le partenariat et non la parentalité”. La maman de deux enfants considère qu’il est important de mettre de côté la position de “parent responsable” et accompagner l’enfant dans le processus de guérison en lui faisant confiance. “J’ai quitté ma position d’autorité pour me tenir à ses côtés et lui demander ce qu’elle pensait être le mieux pour elle. Je lui ai dit que je lui faisais confiance quand elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas et ne voulait pas retourner à l’école. Sans pression, cela lui a permis d’être apaisée et lui a donné la liberté émotionnelle de s’améliorer” explique la maman. Puis de souligner qu’il est normal de se sentir impuissant dans ce genre de situation. “ Lorsque vous êtes confronté à un problème de cette envergure, et que cela concerne vos enfants, votre première réaction est de vous braquer parce que vous vous sentez responsable. J’ai appris par mon expérience et celle d’autres parents qu’il est inutile d’essayer de trouver quelqu’un à blâmer.”. 

Aujourd’hui Issy a évolué et se sent beaucoup mieux. Elle est étudiante en deuxième année à l’Université et prépare un diplôme en arts. 

Comment soutenir un enfant en détresse émotionnelle 

Faut-il parler aux enfants du suicide et comment s’y prendre ? Pour répondre à cette question, Suzanne donne plus de détails sur son approche “ partenariat et non parentalité” sur son groupe Facebook. La maman conseille de ne pas essayer d’imaginer ce que ressent l’enfant avant de l’avoir véritablement écouté. Suzanne recommande également de quitter la stature d’autorité pour créer un espace d’expression et d’acceptation pour l’enfant en détresse. Aussi est-il important pour elle de ne pas juger les comportements agressifs de l’enfant et de l’adolescent. Elle explique qu’il est essentiel de garder en tête que “ ce n’est pas un choix, une attaque ou un affront” et conseille de saisir cette opportunité pour l’écouter et comprendre la raison de son mal-être.   Enfin, Suzanne recommande aux parents de ne pas culpabiliser et de ne pas chercher quelqu’un à blâmer. “ Le sentiment de culpabilité nuira à votre propre santé mentale et à celle de votre enfant” conclut la maman.