« Une femme de 40 ans peut être célibataire et sans enfants, et toute critique est malvenue »

Publié le 4 juin 2021
MAJ le 16 décembre 2024

Même dans nos sociétés contemporaines, une femme seule est souvent sujette aux inquiétudes de ses proches qui souhaitent la voir rencontrer l amour et pourquoi pas donner la vie. Plus le temps passe, plus les questions sur sa vie de célibataire sont insistantes. Voici la réponse à : « « Est-il normal qu’une femme de 40 ans soit célibataire et sans enfants ? »

Une trentenaire célibataire commence déjà à entendre l’horloge tourner, et ce, même de personnes qui sont bienveillantes à son égard. Ces dernières s’enquièrent de leur vie amoureuse quitte à se montrer intrusifs en poussant la potentielle « malheureuse » à faire des rencontres pour pouvoir correspondre au schéma qui leur est familier.

Une femme toute seule inquiète

Passé la tranche d âge de 20 ans, les interrogations commencent déjà sur le ton de l’espièglerie. « Alors, quand vas-tu trouver l’amour ? » « As-tu quelqu’un pour la Saint-Valentin ? » « Quand nous invites-tu pour un mariage ? » « Pourtant, tu as tout pour plaire » sont autant de propos que l’on peut considérer comme embarrassants pour une fille célibataire. Même pendant l’enfance, les dessins animés insufflent l’idée selon le prince charmant est un homme providentiel qui viendra sauver une femme qui n’aurait qu’une idée en tête : trouver l amour. Si la femme finit par construire une relation, sa quête vers le bonheur clé-en-main n’est pas terminée. Reste ensuite à changer sa situation matrimoniale avec un homme sérieux. A ce moment-là, une autre étape vient parachever le destin d’une femme : avoir un enfant. Sans même connaître vos aspirations, ceux qui vous voient « tarder » à concevoir vous le feront comprendre, impatients de vous voir vivre une vie de famille. Si c’est souvent le cas, c’est parce qu’il s’agit d’une peur inscrite dans l’inconscient collectif. Peu de femmes seules et heureuses sont représentées, et on traite souvent celles qui font ce choix ou non de « vieilles filles », des parias exclues sur lesquelles beaucoup se plaisent à commérer. Alors que les femmes sont chaque jour de plus en plus libres de choisir, il est encore rare que l’on questionne les hommes célibataires sur la recherche de l amour. Mieux encore, un célibataire endurci est vu comme un Dom Juan que beaucoup envie. Une discrimination qui a encore la peau dure à l’heure où les femmes veulent aussi s’accomplir dans la vie professionnelle.

Un expert révèle qu’une femme qui reste célibataire sans enfants est plus heureuse

Interrogé par nos confrères du Guardian, Paul Dolan, un professeur en sciences du comportement à la London School of Economics se penche depuis longtemps sur la question du bonheur. Il brise ainsi le cou des conceptions traditionnelles de l’épanouissement à savoir le rail couple-mariage-enfants. Il explique que les femmes mariées disent être heureuses seulement lorsque leur mari est à proximité. « Quand leur conjoint n’est pas présent, elles se sentent misérables » note-t-il. Il ajoute que cette institution ne bénéficie qu’aux hommes puisque cela les apaise. « Si vous êtes une femme, ne vous embêtez pas » s’amuse-t-il. Si les hommes mariés sont plus heureux en ménage, c’est parce que cela leur procure une sécurité, un gain d’argent et une meilleure longévité. A contrario, leurs partenaires meurent plus tôt que les célibataires de leur sexe. Celles qui avancent en âge sont plus enclines à souffrir de troubles psychiques que cette dernière population. Une seule conclusion alors : une femme mûre qui reste célibataire n’a pas fait un si « mauvais choix de vie ». Le spécialiste des comportements humains se montre plutôt catégorique. « Vous voyez une femme célibataire de 40 ans sans enfants. Vous vous dites : c’est dommage, n’est-ce pas ? Peut-être qu’un jour elle rencontrera l’homme parfait et que ça changera. Non, peut-être qu’elle rencontrera le mauvais gars et que cela changera. Peut-être qu’elle rencontrera un gars qui la rend moins heureuse et en bonne santé et qu’elle mourra plus tôt » ». Il y’a de nombreuses raisons pour lesquelles les femmes sans maris et enfants sont plus heureuses que les autres.

Etre mariée, oui mais pas à n’importe quel prix

Si cette analyse sociologique est pessimiste, qu’une jeune femme célibataire qui souhaite rencontrer la bonne personne et avoir des enfants ne se démonte pas. Seulement, assimiler le message selon lequel on doit se marier et mettre un bébé au monde pour être heureux est toxique. Et pour cause, être pressé de trouver l âme sœur aveugle. Et pour cause, l’épanouissement ne peut être atteint que lorsque l’on rencontre la bonne personne, celle qui nous aide à être heureuse et non pas celle qui nous transforme. Nous attirons ce qui nous ressemble et si l’on cherche absolument à se marier tant que nous ne sommes pas assez réfléchies, le risque d’engager des enfants dans un divorce existe. Un mariage n’est pas qu’une question d’émotions, mais aussi de valeurs communes sur lesquelles vous saurez asseoir votre complicité.

Etre mère célibataire, c’est possible !

Vivre seule n’est pas une fatalité lorsque l’on souhaite avoir un enfant. Les femmes célibataires ou en couple disposent de tout un panel de technologies pour concevoir seule et ce, même à un âge avancé. Certaines n’hésitent pas à passer le cap ou à recourir à l’adoption pour accomplir cette aspiration. Pour autant, cette dernière doit être personnelle car mettre un être au monde est un don d’amour mais aussi une série de sacrifices au quotidien. Si une femme n’a pas rencontré d’homme sincère sur son chemin, elle peut congeler ses ovocytes si le choix de mettre au monde un bébé est une intime conviction. Etre mère n’est pas la consécration de la vie d’une femme, d’autres trouvent leur bonheur en privilégiant leur carrière, leur couple ou encore leur liberté. D’autres ne se sentent simplement pas prêtes ou n’ont pas envie d’en avoir et cela n’est pas à blâmer. Celles qui font ce choix de vie sont tout autant heureuses que celles qui ont décidé de devenir mères.

Faut-il absolument être en couple ?

Alors que certaines femmes souhaitent rencontrer le grand amour consciemment ou non, d’autres ne sont pas emballées par l’idée d’avoir un premier rendez-vous, de s’inscrire sur des sites de rencontres ou d’avoir des relations sérieuses. Des célibataires souhaitent rencontrer plusieurs personnes et nouer des liens sans forcément s’attacher. Ne pas s’intéresser à trouver la bonne personne ne signifie pas qu’une vie doit se résumer à l’abattement. La vie est ponctuée de stimulations intellectuelles, de voyages et de rencontres intéressantes qui n’aboutissent pas sur le fait de trouver la perle rare. Cela ne veut pas pour autant dire qu’une femme célibataire ne peut pas avoir un destin excitant. Nouer des affinités et faire des rencontres amicales est également le piment de la vie !

Pourquoi une femme toujours célibataire est-elle stigmatisée ?

Interrogée par Psychologies, Marie-Hélène Brousse, psychanalyste, s’amuse de la question : « Comment être une femme libre ? ». L’experte explique que la liberté n’existe pas mais que l’on adhère plus aux moins aux discours qui pèsent sur nous et que l’enjeu est particulier pour le sexe féminin. La spécialiste de la psychè explique que pendant longtemps, la femme assume une double position : celle d’objet d’échange et de sujet, ce qui lui attribue un rôle dans le fondement de la famille. « Certains hommes l’expérimentent aussi lorsqu’ils sont réduits à la servitude. Pour la grande majorité des femmes sur cette planète, c’est encore la règle » déplore-t-elle. Malgré des années de lutte pour obtenir l’affranchissement d’une société dominée par les hommes, il existe encore chez les femmes une volonté restante de vivre selon leurs termes sans être jugées ou désapprouvées. Difficile de se détacher d’un programme inconscient patriarcal même si l’on souhaite théoriquement le contraire. « « Le discours du maître impose un rapport de domination et un mode de jouissance qui, à l’endroit des femmes, se traduit en gros par « Bouclez-la et enfantez » » souligne-t-elle. La psychanalyste Anasthasia Blanché ajoute que les femmes engluent leurs ambitions car elles sont rarement libérées par plusieurs craintes : celle de ne pas être légitimes, à leur place ou à la hauteur et la culpabilité de ne pas être présentes pour leur partenaire et enfants. Et pour cause, beaucoup d’injonctions pèsent sur les femmes et cela repose essentiellement sur l’équilibre entre la vie professionnelle, conjugale et parentale, une injonction qui pèse moins sur le quotidien des hommes. Cette responsabilité de penser à tout est mauvaise pour la santé psychologique. Cette charge mentale pèse particulièrement sur les personnes seules à qui l’on rappelle constamment cet « échec » avec des remarques culpabilisantes sur les rencontres amoureuses. Le célibat est encore perçu comme une chose à laquelle remédier et couplé à cette culpabilité en filigrane, cela peut conduire à l’isolement. Obtenir l amour d’un homme célibataire à tout prix peut être la résultante délétère de cette stigmatisation qui peut impacter tous les pans de notre vie.

La charge mentale – Source : France Inter

« La tyrannie du surmoi »

Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre, donne des pistes sur ce qui aliène les jeunes femmes et celles plus âgées à suivre le sentier battu selon lequel il faut faire une rencontre sérieuse, se marier et avoir plusieurs enfants. « Beaucoup expriment un manque de confiance en elles qui contraste singulièrement avec  les  charges qu’elles sont capables d’assumer » analyse le médecin. Elle ajoute que les défis qu’elles doivent relever relèvent de l’impossible car ils sont comparés à des codes masculins. « Cela leur est d’autant plus insupportable qu’elles-mêmes connaissent une véritable tyrannie du surmoi : elles se mettent la barre très haute et ont un sens du devoir très ancré qui les pousse à être de bons petits soldats, au détriment de leurs propres besoins » observe l’experte. La domination masculine n’est pas le seul paramètre qui enlise les femmes dans cette servilité à l’égard de ce qu’on attend d’elle. Mai 68 et ses revendications féministes ont conduit à un mythe qui ajoute des injonctions à la femme d’aujourd’hui. Les missions pour être accomplie ? Etre une femme productive, avec un corps parfait, qui commande et qui arrive à être une bonne mère. Des piédestaux qui, au lieu de la libérer, ajoutent à ce que l’on attendait d’elle avant la liberté sexuelle : celle d’être une maîtresse de maison, une mère et une épouse accomplie. Si aujourd’hui la vie de couple est plus équilibrée, plus de choses sont attendues des femmes dans la gestion du foyer comme la planification et l’organisation de tout ce qui concerne la gestion de la maison. Des appréhensions qui, au jour le jour peuvent mener au burn-out maternel, un syndrome d’épuisement dû à toutes les responsabilités qui incombent à une mère.

La charge mentale pour les femmes – Source : Pour elles

Comment se libérer ?

Face à tous les « devoirs » qui pèsent sur une femme, celui de faire une rencontre amoureuse, d’avoir un travail bien rémunéré et valorisant, de réussir à construire une relation durable, faut-il dire « stop » ? C’est ce que recommande Fatma Bouvet de la Maisonneuve. « . Qu’elles cessent d’avancer sur la pointe des pieds, de s’excuser d’être qui elles sont, avec leur apparence, leur biologie, leur personnalité, leurs priorités » martèle l’experte. Cela s’applique également à la crainte de ne pas avoir de relation amoureuse et ce, même à 40 ans. Attendre de trouver le grand amour pour pouvoir se réaliser d’un point de vue global rajoute du plomb dans les ailes de la femme. La psychiatre recommande à celles qui se sentent démunies devant autant de points à cocher dans leur vie « d’examiner ce qui les pousse à croire que cela ne peut pas être autrement ». Pour la psychanalyste Anasthasia Blanché, le meilleur moyen pour cela est de trouver des sources d’inspiration mais aussi des femmes à qui l’on ne souhaite pas ressembler. La spécialiste conseille également pour cela, d’évaluer son rapport à la mère pour s’affranchir de tout ce qui nous limite dans la vie. « On ne peut accéder à sa liberté sans faire un travail sur la relation à sa mère, celle que l’on a eue, et surtout celle que l’on aurait rêvé d’avoir. Car se libérer, c’est aussi se libérer des “Je ne suis pas assez bien” dans le regard maternel, et de la répercussion de ce jugement sur notre couple, notre façon d’être mère, notre rapport au travail, à l’ambition, à la séduction » ajoute-t-elle.

« Réfléchir à ce qui constitue une vie réussie »

Vous l’aurez remarqué, une vie réussie repose sur des injonctions aussi paradoxales qu’irréalistes. Etre une femme fatale et une bonne mère, une femme accomplie au travail et orchestrer son foyer d’une main de maître, avoir un corps de rêve tout en étant discrète sont autant de messages subliminaux véhiculés par les médias et tout ce que l’on reçoit au quotidien. Peut-on tout avoir ? Oui, affirme Fatma Bouvet de la Maisonneuve, qui donne une condition. « Les femmes ne peuvent trouver d’issue qu’en s’efforçant de « réfléchir à ce qui constitue une vie réussie selon leurs propres désirs » affirme la psychanalyste qui leur recommande de se concentrer sur ses véritables priorités sans culpabiliser. Car en se sacrifiant, on fait involontairement du mal à ses proches car on leur on veut inconsciemment de nous avoir limité. Pour l’experte, devenir mère bouleverse entièrement la vie d’une femme et ses ambitions.   « Au risque de paraître réac, une femme qui a des enfants n’est plus la même.  À ses propres préoccupations s’ajoute le souci qu’elle a d’eux. Je ne suis pas en train de réduire le féminin à la maternité. Mais il ne faut pas non plus que la maternité constitue un handicap dans la poursuite de leur carrière » nuance-t-elle.

Oser être soi

Se montrer « égoïste » en réfléchissant réellement à ce qui nous anime en tant qu’être est plus que jamais nécessaire pour aspirer au bien-être quel que soit l’âge ». « Chacune peut trouver une petite brèche dans sa vie pour s’approcher de la femme qu’elle aimerait être » affirme Fatma Bouvet de la Maisonneuve. S’autoriser à être soi est tout un cheminement qui repose sur la bienveillance, la patience et l’optimisme. A 40 ans, il est possible d’avoir plus d’assurance dans ses choix grâce à la maturité qui résulte de l’expérience. Se dissocier de ce que l’on attend de nous et du regard des autres est la première étape vers le mieux-être. Si vous avez « subi » le choix d’être seule, aucun âge ne peut limiter vers la rencontre de l’amour de soi et des autres. Il est également possible d’oser ses rêves les plus fous en passant à l’action sans avoir besoin de trouver l’amour. Etre honnête, à l’écoute de son cœur et de ce qui nous fait véritablement vibrer est une belle école qui nous fera chaque jour apprendre sur nous-mêmes et nos désirs. Car si avoir une situation professionnelle réussi est gratifiant, le bonheur commence en soi et est immatériel.