Coronavirus : les 8500 nouveaux respirateurs commandés pourraient « tuer les malades en 3 jours » !

Publié le 3 mai 2020
MAJ le 26 novembre 2024

Depuis le début de la pandémie, les systèmes hospitaliers à travers le monde ont dû faire face à une situation des plus difficiles. De plus, le manque d’équipements tels que les respirateurs s’est rapidement fait ressentir. A cet effet, Air Liquide s’est associé à Valeo, PSA et Schneider Electric pour répondre à ce manque. Mais selon une enquête de la cellule d’investigation de Radio France, 8 500 respirateurs sur les 10 000 produits seraient « inadaptés » au coronavirus. Nos confrères de France Info font le point.

Si la crise sanitaire liée au coronavirus est une guerre, les masques, les respirateurs et les blouses sont les armes du corps médical en première ligne. Depuis le début de la pandémie, médecins et infirmiers pointent du doigt un manque accablant de ressources. Cela a poussé plusieurs groupes industriels à rejoindre « l’effort de guerre’’, notamment en produisant des respirateurs artificiels. Mais selon l’avis de plusieurs experts, une majorité d’entre eux seraient inadéquats contre le Covid-19.

Une commande de 10 000 respirateurs

Le coronavirus s’est propagé à une vitesse qui a surpris le monde entier. Rapidement, des systèmes hospitaliers peu préparés à un afflux aussi important de malades ont dû faire face à une situation problématique. Pour leur venir en aide, le gouvernement français a souhaité augmenter le nombre de lits de réanimation de 5 000 à 14 000. Ce n’est pas une tâche simple puisque ces lits doivent être équipés du matériel nécessaire. Air Liquide, seul fabricant de respirateurs artificiels en France, déclare alors vouloir augmenter sa production. l’État est preneur et passe une commande de 10 000 respirateurs, rapporte France Info.

4 groupes industriels s’unissent

Face à cette commande de taille, Air Liquide décide de s’unir à trois grands groupes: PSA, Schneider ainsi que Valeo. C’est le 24 mars que le groupe d’ingénieurs en électroniques et d’experts en produits industriels de ces 4 entreprises se réunit afin d’élaborer un plan pour répondre à cette demande. Celle-ci se précise, puisque l’État souhaite 5 000 respirateurs modèle T 60, ainsi que 5 000 d’un modèle plus simple : l’Osiris 3. Seulement, le T 60 est un appareil beaucoup plus complexe à fabriquer, et l’Osiris 3 ne nécessite que 300 composants, explique France Info. A cet effet, Air Liquide a proposé de changer les objectifs de production et de fabriquer à la place 8 500 Osiris 3 et 1 600 T 60. Le projet est donc entamé le 6 Avril et un délai de 50 jours a été fixé pour la fabrication.

Des respirateurs inadaptés

Il n’a pas fallu longtemps pour qu’un problème majeur apparaisse. La simplicité de fabrication des respirateurs Osiris a un prix : Il s’agirait d’appareils que l’on utilise dans les ambulances plutôt que dans les salles de réanimation, souligne cette même source en faisant aux références aux explications d’Air Liquide sur son site.

En effet, un message communiqué le 3 Avril par le ministère de la Santé a établi les modèles de respirateurs pouvant être utilisés dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Sur ce document, l’Osiris 3 apparaît dans la 5ème et dernière catégorie de respirateurs, c’est à dire ceux qui ne sont utiles que lors du transport des malades. On serait donc loin d’un équipement qui pourrait être utilisé en salle de réanimation.

Pour en savoir plus, France Info a mené l’enquête et s’est adressée à plusieurs experts. Philippe Meyer, médecin réanimateur à l’hôpital Necker à Paris, déclare  : « Ce n’est clairement pas, pour être pudique, un respirateur adapté à la prise en charge d’une détresse respiratoire aiguë compliquée » avant d’ajouter « personnellement je n’utiliserai pas un Osiris en réanimation». Anesthésiste et réanimateur au CHU de Nantes, Yves Rebufat ne mâche pas ses mots : « Si vous vous en servez pour un syndrome respiratoire aigu, vous avez un risque de tuer le patient au bout de trois jours. Parce que ce n’est pas fait pour ça ». Le réanimateur s’explique: « Les malades du Covid ne sont pas faciles à ventiler. Il faut des respirateurs performants avec des systèmes de contrôle des pressions et des volumes” avant de conclure, «  Au mieux, on peut s’en servir pour transporter un patient une demi-heure pour un scanner, mais c’est le maximum qu’on puisse demander à cet appareil ».

La réponse d’Air Liquide

Face aux critiques, le groupe Air Liquide se dit étonné via un message publié par son service de communication. On peut y lire : « Le NHS [Le système de santé britannique NDLR] a validé ce modèle pour traiter les patients Covid. On peut l’adapter en réanimation moyennant des procédures que nous donnons aux soignants ». L’entreprise précise : « Le choix final de l’Osiris a été fait sur recommandation des experts du ministère de la Santé, et de la Société de réanimation de langue française (SRLF) ». Martin Lavillonnière, directeur administratif de la SRLF affirme à France Info que son association « n’a pas été sollicitée pour rendre un avis sur quel respirateur privilégier pour une production d’urgence ».